Calamités et hôpitaux

Hôpitaux arbreslois

Résumé

Il est très probable qu’une présence hospitalière à l’Arbresle remonte à plus de 13 siècles.

En 542, Childebert avec son épouse fondèrent à Lugdunum, un hôpital-hospice, appelé Hôpital-général ou Hôtel-Dieu. Cet hôpital était destiné, dans la pensée de ses fondateurs, aux malades de la ville et aux soldats de passage.

Pour parer aux mêmes besoins, on construisit, sur les routes d’Empire du pays lyonnais, de nombreux petits hôpitaux-hospices à l’image de l’Hôtel-Dieu de Lugdunum. Arbresla était toute indiquée pour recevoir un de ces établissements.

Elle se trouvait en effet sur une route très fréquentée, à l’étape habituelle des voyageurs et des pèlerins qui se rendaient du pays des mérovingiens à Rome, comme l’indique un vieil itinéraire.

Il est donc probable que le premier hôpital-hospice de l’Arbresle date de la fin du 6ème siècle. L’abbaye de Savigny existant déjà à cette époque pouvait en assurer la gestion. Les statuts du monastère obligeaient, d’ailleurs le cellérier (1) de Savigny à " envoyer à l’hôpital arbreslois, tous les mercredis, vendredis et samedis de chaque semaine, cinq œufs pour chaque malade, et cela du 17 décembre au 23 juin, tandis que le cellérier de Saint-Laurent-d’Oingt faisait de même du 23 juin au 17 décembre suivant " 

De l’hospitalité à l’hospitalisation

 Au Moyen Age, le mot hôpital est à prendre au sens général de " lieu d’hospitalité, d’accueil ". C’est un hôtel, appelé aussi hospice, qui reçoit aussi bien ceux qui n’ont besoin que d’une assistance provisoire comme les pèlerins ou les voyageurs qu’il ne faut loger que quelques nuits, que ceux qui n’ont pas la possibilité matérielle de se loger, tels les vagabonds, les pauvres, les vieillards, les infirmes, les orphelins, les femmes seules.

La société ne sachant pas encore guérir ou soigner correctement ses malades, se charge de les accueillir et de leur apporter le minimum vital par le biais de ces maisons-Dieu ou hôtels-Dieu. 

Sur ce plan de la ville d’avant la Révolution, figure le quartier de la " Magdelaine " : pont, hôpital, église et cimetière 

A défaut de savoir guérir, ces établissements étaient des lieux d’assistance très utiles. Parmi les nombreux maux qui s’abattent sur les hommes du bas Moyen Age, la misère matérielle et humaine apparaît très rapidement comme le combat prioritaire. Victimes de la guerre, de la famine, de la maladie ou encore du destin, le nombre des indigents est croissant et forme petit à petit une population parallèle qui, pour survivre, n’hésite pas à avoir recours au vol, voire au meurtre ou choisit, dans le meilleur des cas, la mendicité.

Les puissants de l’époque ont bien évalué la situation en y apportant des solutions. Les Mérovingiens d’abord avec Clovis qui en 511 au Concile d’Orléans fait appel aux hommes de Dieu pour qu’ils consacrent un quart des revenus de leurs églises à l’hospitalisation des pauvres et des voyageurs.

Les Carolingiens, au 9ème siècle, sous l’impulsion de Charlemagne et de ses fils, rappellent sans cesse leurs responsabilités aux évêques ; de nouveaux hôpitaux sont créés. La notion d’hôpital et d’hospitalité paraît être bien ancrée dans les mentalités. 

Malheureusement, le nombre des hôpitaux n’est pas encore suffisant pour accueillir une population d’hôtes sans cesse croissante. Le développement hospitalier par certains ordres monastiques apparaît alors comme la seule réponse satisfaisante à cette situation, dans les premiers temps tout au moins.

D’abord, l’assistance offerte par les moines aux indigents est naturelle et se manifeste par des actions spontanées ; c’est le cas notamment chez les Bénédictins qui, ayant fait de la pauvreté leur règle, sont prédisposés à comprendre celui qui ne possède rien et à lui offrir l’hospitalité ; ils sont, d’ailleurs, les premiers à se doter d’un système efficace de distribution de nourriture et de vêtements.

Ce système des hospices devait perdurer en France jusqu’à la Révolution. 

Les hospices dans la région arbresloise 

La présence pendant une si longue période d’un hospice à l’Arbresle permet d’imaginer quel rôle important il joua dans la région. Comme la plupart de ses semblables, la Révolution dut lui être fatale. On sait qu’en 1830, il n’était plus en activité ; il devait être démoli en 1836 pour faire place à l’actuelle rue de Lyon ; avant, la route quittait l’Arbresle par l’actuelle avenue Pierre Sémard puis la route Napoléon qui grimpait vers le Poteau. 

Le chanoine Picard nous parle de son rôle à plusieurs reprises.

 En voici quelques exemples : 

  • En 1108, sous Girbauld, une donation fut faite à l’abbaye par un nommé Longus (lisez le Long) celle du moulin de Francolin sur la Tardine (2). Longus, dans un pèlerinage entrepris avec sa femme, dut s’arrêter à l’ArbresIe pour cause de maladie. II demanda à faire son testament. Ce testament nous apprend que Longus, malade, s’arrêta à la Madeleine, non loin de l’abbaye (Cartulaire de Savigny) ». 

Il évoque aussi le cas plus connu du chef des armées de Charles VIII, partant vers l’Italie : 

  • " Le maréchal de Crèvecœur, moins heureux que le roi, fut arrêté à l’Arbresle, par la maladie. Son état présenta de suite une telle gravité qu’il fut impossible de le transporter à Lyon. II mourut à l’hôpital hospice de l’Arbresle, le 12 avril 1494. " 

Autre témoignage : 

  • " Une grande épreuve désola notre région et les régions voisines, au temps des Croisades. Ce fut la lèpre. De nombreux soldats de nos vallées revinrent d’Orient, contaminés. Pour les secourir, les religieux de Savigny adjoignirent à l’hôpital hospice arbreslois, une léproserie qu’on appelait alors de préférence la " maladrerie ". 

Cette maladrerie était heureusement placée en dehors des murs d’enceinte, vers le pont actuel de la Brévenne, au quartier dit de la Madeleine. Elle était en outre située sur la " voie française ", de sorte que les lépreux de passage pouvaient y être reçus.

Quand la maladrerie fut installée, les rations fournies par les moines, évoquées plus haut, furent doublées, tandis que des soins médicaux étaient donnés aux lépreux. On sait que la lèpre est incurable, et même contagieuse. C’est pourquoi, à en croire l’historien lyonnais CIerjon, la France, sous le règne de Louis VIII, c’est-à-dire de 1223 à 1226, possédait encore 2000 léproseries. La lèpre disparut enfin de notre pays, grâce à l’isolement dans lequel on tenait les lépreux. Au 14ème   siècle il n’en sera plus question ». 

Dans la région furent successivement construits les hospices suivants :

1266, Chazay d’Azergues
1273, Savigny
1297, Oingt
1307, Brullioles
1347 Charnay
1349, Valsonne
1382 Lozanne et
1424, Sain Bel. 

Un siècle sans hôpital 

Entre la fin de l’hospice de la Madeleine et les hôpitaux de l’époque moderne dont nous parlerons plus loin, il s’écoula à peu près un siècle. Comment les Arbreslois s’adaptèrent-ils à cette situation ? On sait peu de choses à ce sujet. Mais pendant les périodes de troubles importants, il fallut trouver des solutions de remplacement.

Ainsi, pendant la guerre de 1870 qui vit de nombreux arbreslois mobilisés, c’est le couvent des Ursulines (3) qui servit d’ambulance pour les blessés ; après la dure bataille de Nuits en Côte d’Or ; Picard nous raconte :

" Dans cette bataille, l’Arbresle eut un nombre important de blessés. Le couvent des Ursulines fut transformé en hôpital militaire, pour les recevoir. On voyait les soldats se promener dans les rues de l’Arbresle, avec leurs pansements â la tête ou un bras en écharpe. Les grands blessés ne quittaient pas l’ambulance ". 

Pendant la guerre de 1914-1918 le pensionnat fut de nouveau utilisé comme ambulance : il était l’hôpital militaire n° 18 ; ( un soldat blessé écrit à sa famille en se plaignant qu’il ne peut dormir tant il y a de punaises…). 

Déjà en 1907, lors d’un été de canicule pendant lequel les gens mangèrent peu et burent beaucoup, une épidémie de fièvre typhoïde (4) se déclara qui se révéla vite catastrophique. Il y eut 270 personnes atteintes et 28 en moururent. Quotidiennement, des convois descendaient les malades dans les hôpitaux lyonnais qui, à l’époque n’étaient pas trop encombrés.

L’effet positif de cette épidémie fut la remise en cause de tout le système d’alimentation en eau de la ville et fit découvrir à la population la nécessité des mesures d’hygiène. Cette question de l’eau entretint une belle polémique pendant plusieurs années et ce n’est que le 18 juin 1934 que l’Arbresle put organiser une belle Fête des Eaux qui concluait tous les travaux d’adduction. 

Vers un nouvel hôpital 

Il est probable que cette épidémie et l’absence d’un hôpital à l’Arbresle, en fit réfléchir plus d’un. Ce fut le cas, en particulier, du Maire de l’époque, monsieur Rivière.

Le 13 mars 1913, l’Association Hospitalière de la ville de L’Arbresle est créée. Mais ce n’est que le 10 août 1932, que les Maires du Canton décident d’acquérir la propriété Soller, lieu du Ravatel, pour y créer un hôpital dont le fonctionnement dans le cadre intercommunal est autorisé par Monsieur le Préfet le 29 août 1932.

Le Bureau du Comité se met en relation avec la Communauté des Sœurs du Très Saint-Sauveur, de Niederbronn (Bas Rhin), et établit un contrat avec effet au 1er octobre 1934. Mais, au cours de l’année 1933, plusieurs communes se retirent du Groupement. 

Le premier hôpital du Ravatel, dans la propriété vendue pour une somme modique par la famille Soler 

Devant cette situation, une assemblée générale est convoquée et le 30 septembre 1934, les communes restant, à savoir : 

Bully,
Eveux,
Chevinay,
Saint-Germain-sur-L’Arbresle,
Savigny,
Fleurieux-sur L’Arbresle
L’Arbresle, décident que le Syndicat ne peut figurer en nom à la tête de l’hôpital et le confient à l’Association Hospitalière.

Le 11 juillet 1935, la dissolution du Syndicat Intercommunal est mise à exécution et il est décidé que l’hôpital fonctionnera sous la responsabilité de l’Association Hospitalière. 

Dès le mois de janvier 1935, l’Association a créé une infirmerie de 12 lits pour les malades de toutes catégories de la région. La Communauté des Sœurs du Très Saint-Sauveur envoie quatre Sœurs. 

Puis, en 1939, le Conseil d’administration songe à ouvrir une maternité à l’hôpital. II est demandé à quelques personnalités de bien vouloir souscrire pour cette création. A noter, en particulier, la souscription de M. Pierre-Marie Durand (1), le 4 mai 1941, de 500 000 F, laquelle, ajoutée à d’autres, réduit de façon importante les dépenses d’aménagement de ce service qui sont de 1 100 000 francs.

Ainsi donc, à l’hôpital, Médecine et Maternité vont pouvoir fonctionner.

Le 18 juillet 1951, M. Pierre-Marie Durand décédait. Il avait grandement contribué jusqu’alors au fonctionnement de notre hôpital. Né le 20 août 1861, à L’Arbresle, M. Pierre-Marie Durand a légué, à sa ville, par testament, 125 millions de francs destinés à agrandir l’hôpital. Ce sera l’hôpital du Ravatel dans sa deuxième version. 

La troisième étape 

Le premier hôpital installé au Ravatel avait atteint le terme de ses possibilités, après avoir rendu de grands services

L’année 1954 marquera la troisième étape de l’hospitalisation à l’Arbresle. D’importants travaux sont entrepris sous la direction de Messieurs René et Marcel Salagnac, architectes à Lyon et, en 1954, on peut ouvrir une maternité moderne.

Parallèlement, une salle spéciale pour les prématurés est équipée de couveuses perfectionnées. La salle d’accouchement est installée de façon moderne. 

En 1960, alors que les services Maternité et Médecine fonctionnent à la satisfaction de tous, le Conseil d’administration crée le Service Chirurgie. Le praticien agréé par la Direction départementale de la Santé est un professeur agrégé de Lyon, toujours prêt à répondre à la première urgence. Ce service, avec salle d’opération et un appareil de stérilisation, complète notre établissement hospitalier. Tous les médecins de la région peuvent venir suivre et faire soigner leurs malades directement, car ils sont tous admis à l’hôpital. 

Deux docteurs spécialistes lyonnais viennent chaque semaine donner leurs soins en oto-rhino-laryngologie et en ophtalmologie. Ces consultations sont très appréciées par le public, car elles évitent les déplacements à Lyon.

La radiologie existe aussi afin de permettre au chirurgien d’examiner ses malades  avant opération.

En même temps que l’hôpital s’agrandissait, le Conseil d’administration a pu obtenir deux sœurs supplémentaires. C’est donc avec sept sœurs infirmières diplômées que fonctionne, avec le personnel civil, l’hôpital de L’Arbresle. 

Les services généraux ont eu aussi leur place. Une vaste cuisine fonctionne électriquement avec un secours au charbon si nécessaire, chambre froide, congélateur, etc… La buanderie se compose de générateur de vapeur, machine à laver, essoreuse, chambres chaudes de séchage, calandre à repassage. Et enfin, la chaufferie avec service d’eau chaude et chaudière de secours assure le chauffage par le sol de l’établissement dont les couloirs sont revêtus de tapis de bulgomme aidant, par leur insonorité, au calme nécessaire aux malades. 

Un potager et une vaste vigne permettent d’assurer dans la partie contiguë à l’hôpital (3 hectares) la nourriture et la boisson d’une partie de l’année.

Cet ensemble moderne est une magnifique réalisation qui concourt au prestige de L’Arbresle et du canton.

Son implantation est merveilleusement située. Les malades jouissent d’un calme, d’une vue et de soins en tous points parfaits.

L’essor de l’hôpital est dû aux sœurs et au président Foucré, décédé en novembre 1966, qui y avait consacré les dernières années de sa vie. 

Le départ des sœurs 

L’événement  fut connu à l’Arbresle, à la fin du mois de mars. Les arbreslois ont eu peine à le croire : les sœurs de l’hôpital étaient rappelées par leur Congrégation et devaient quitter l’Arbresle fin juin 1970.

Devant l’insistance du conseil d’administration de cet établissement, madame la Supérieure Provinciale accepta  de reporter l’échéance à fin septembre, afin de laisser le temps de la réorganisation. 

Il ne faut pas chercher ailleurs que dans l’insuffisance du recrutement des sœurs, le fait de leur départ. L’Ordre des Sœurs du Saint Sauveur de Niederbronn avait décidé de réserver ses effectifs amoindris à ses propres maisons hospitalières ou cliniques, ou écoles d’infirmières. " Le meilleur merci que vous pouvez nous adresser : faire marcher l’hôpital et continuer notre œuvre avec d’autres moyens, d’autres méthodes. Nous serons si contentes de savoir qu’après nous ça marche encore ".

C’est ce qu’a décidé le Conseil d’administration qui sans plus attendre s’est mis au travail pour étudier une réorganisation.

Sous l’autorité du conseil et de son président, un directeur est investi de pouvoirs lui permettant de diriger le personnel et la marche générale de la maison.

Des infirmières remplaceront les sœurs dans chaque service, secondées par les aides soignantes. 

Le service de chirurgie est toujours assuré par le professeur Sauteau. Le service maladie reste sous le contrôle des médecins de la région. 

Quant au service maternité, outre madame Amblard, sage-femme, qui a ses propres clientes comme à l’accoutumée, l’hôpital est sous le contrôle de deux médecins spécialistes obstétriciens, et de sages-femmes qui assurèrent une permanence de nuit à tour de rôle.

Mais le temps passe ; l’organisation médicale change. Les progrès de la médecine font vieillir prématurément les bâtiments et leurs équipements. Les nouvelles techniques chirurgicales et obstétricales demandent des matériels efficaces mais coûteux; Début octobre 2002, après presque un demi-siècle de bons et loyaux, services, l’heure de la démolition a sonné pour le vieux bâtiment

Le service de chirurgie cesse ses activités à la fin des années 1970. Après la fermeture de la maison de repos de la Police, aux Mollières, les vingt lits disponibles furent repris par l’hôpital pour devenir l’ébauche d’un nouveau service, lui aussi devenu nécessaire par les circonstances : le service Long Séjour.

Un nouvel hôpital, de nouveaux équipements devenaient impératifs. Ce sera la quatrième version de l’hospitalisation à l’Arbresle. La maternité va aussi cesser ses fonctions, pour devenir le centre périnatal dans le nouveau bâtiment qui entrera en service en septembre 1997. 

Bernard Isnard 

 

Bibliog. (pour les trois sujets) -: Revue « Moyen Age », n° 9 et 39 – Bulletins municipaux 1 (1968) et 2 (1970) – « Routes du Rhône à travers les âges » de J. Germain (1936) – « Notice sur l’Arbresle » de l’abbé Valin (1876) – Histoire de l’Arbresle et de l’Abbaye de Savigny de L Picard – Photos : collections G. Silvestre et B. Isnard. 

1- Econome dans un monastère
2 – ancien nom de la Turdine selon Picard
3 – Pensionnat de jeunes filles qui était à l’emplacement actuel de la maison de retraite des Collonges
4 – Voir au chapitre épidémies
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