Les quartiers et les propriétés

La maison forte du Péage

Résumé

Bien visible depuis la route qui va de Savigny à  St Romain de Popey, elle en impose par son allure générale. Son époque de construction 14ème siécle, 15ème siècle, bien qu’elle ait subi des modifications depuis. Le logis a conservé des décors intérieurs d’un grand intérêt et des cheminées du 16ème siècle, peintures murales ; elle est inscrite aux monuments historiques depuis 1997…Son histoire mérite d’êre contée.

Le manoir de Varennes n’était primitivement qu’une simple bâtisse destinée à abriter des troupeaux ; elle fut construite par Gausmar de Varennes, qui possédait des terres dans cette région. Ce bâtiment était situé en bordure du Vieux Chemin, tendant de Savigny à Chessy, par le bourg de Bully [1]

Une histoire d’héritage

Vers l’an 1107 environ, Itier, seigneur de Bully, étant à son lit de mort, fit un testament par lequel il instituait, avec l’assentiment de ses trois fils (qui moururent aux Croisades), le monastère de Savigny héritier de tout ce qu’il possédait entre la Loire et l’Azergues. Faite en présence de témoins honorables, cette donation verbale était donc parfaitement régulière. Mais il avait encore une fille qui, semble t-il, n’avait pas été appelée à donner son consentement.

Etienne de Varennes[2] ou de Garennes, époux de la fille, mécontent de cette libéralité in extremis de son beau-père, en demanda l’annulation. Pour protéger ses prétendus droits et "sa maison" construite par son beau-père, De Varennes l’entoura de palissades en bois, de fossés et de divers autres genres de fortifications selon les règles de la balistique de l’époque et la rendit capable de résister à une attaque.

""   Vue satellite du bâtiment >

Ses revendications de l’héritage total de son beau-père devinrent inquiétantes pour l’abbé de Savigny ; aussi, soit qu’il voulut écarter une action judiciaire imminente, soit qu’il ne fut pas très sûr de la valeur des droits du monastère, il proposa, malgré l’avis de son chapitre, de transiger en abandonnant une partie de la donation. Mais Etienne, trop profondément ulcéré, refusa en réclamant, comme héritier naturel de son beau-père, la totalité des biens qu’il avait laissés. Une guerre avec la puissante abbaye paraissait inévitable. D’autant qu’Etienne, pour faire bonne mesure institua pour tous les paroissiens de Savigny un droit de péage pour circuler sur le chemin qui traversait ses terres. D’où le nom de péage !

L’abbé réagit

L’abbé Pons[3], bien que représentant d’un Dieu de paix décida d’employer la force pour récupérer les terres reçues en donation. Pressé par les conseils de ses amis, Etienne parut consentir à une transaction ; à cet effet, il donna des otages et jour fut pris pour se rencontrer à l’abbaye. Etienne de Varennes devait rendre la forteresse à l’abbé ; ce dernier devait en faire raser les fortifications.

Cette sentence ne plaisait guère à Etienne et il en différait l’exécution. Enfin, ne pouvant plus la retarder, il l’exécuta et remit sa maison forte. Mais lorsque des moines vinrent et voulurent faire des travaux, il se jeta armé sur les moines qui étaient là, leur lança des traits et les insulta copieusement. Probablement les délimitations n’étaient pas celles qu’il avait espérées, aussi, considérant comme nul le jugement qui le condamnait, il se dirigea vers sa forteresse et en chassa les gardes placés par l’abbé. Depuis lors, cet homme, dont la violence était redoutée, ne cessa ses courses, ses dégâts, ses déprédations sur les terres de l’abbaye.

L’abbé avait demandé à plusieurs reprises l’intervention, en médiateur, de l’archevêque de Lyon. Ce dernier ne tint nul compte des doléances, de la position des religieux et de leurs tenanciers et ne chercha pas à faire rentrer dans le devoir l’obstiné sire de Varennes.

C’est alors que, poussé à bout par ce déni de justice, après avoir pris l’avis de ses amis, l’abbé se décida à agir avec vigueur et à faire un coup d’éclat. Il se croyait obligé par son titre à maintenir intactes les possessions légitimes du monastère dont la direction lui avait été confiée.

Il avait, du reste, épuisé tout moyen de conciliation au moment où il se décida à agir. Le sire de Beaujeu, protecteur militaire de l’abbaye de Savigny, vint lui-même prendre le commandement des hommes d’armes de la baronnie réunis à L’Arbresle. La forteresse des chevaliers de Varennes était peu éloignée, le sire de Beaujeu, à la tête de sa petite troupe, marcha contre elle ; ses défenseurs de leur côté n’étaient pas demeurés inactifs et s’étaient préparés à recevoir le choc. Mais les forces rassemblées à L’Arbresle étaient importantes et la forteresse ne pouvait résister longtemps ; elle fut prise et détruite.

L’archevêque se fâche

L’archevêque, fort courroucé contre le chapitre de Savigny qui, sans son assentiment et presque malgré lui, avait usé de ses droits, lança  contre l’abbé, les moines et les églises de la seigneurie, ses foudres spirituelles. Il retint les otages donnés par le monastère et voulut contraindre l’abbé à reconstruire "cette caverne de voleurs", ainsi que ce dernier nomme le château de Varennes.

La punition infligée par l’archevêché était excessive. L’abbé Pons, sans être abattu et non moins inflexible que l’archevêque, porta cette cause au tribunal du souverain pontife. La loi relative aux otages était, disait-il, tout à fait contraire à l’esprit de l’église et il prouvait que cette forteresse d’Etienne de Varennes, élevée dans l’unique but d’inquiéter l’abbaye, avait été détruite en exécution de sentences régulièrement rendues.

Le pape s’en mêle à son tour

Le souverain pontife trouva justes et péremptoires les allégations de l’abbé, il blâma la conduite de l’archevêque, leva l’interdit et déclara parfaitement valable la donation d’Itier de Bully. À son tour, il menaça Etienne de Varennes, s’il ne se conformait aux sentences rendues, de le frapper d’excommunication.

Le décret de Rome qui se fit attendre est du 9 Décembre 1117 ; il disait "que les otages sont contraires aux usages de l’Église, que le château ayant été détruit par les hommes de l’abbaye, il ne pouvait être licite à de Varennes de le rebâtir pour léser l’abbé qui devait rendre les otages." L’évêque de Maçon, Guichard de Beaujeu, Vuigon d’Oingt et Berard, archidiacre de Macon, étaient chargés de rétablir la concorde entre l’abbaye et Etienne de Varennes, qui "plus ne devait molester les gens du monastère". Etienne de Varennes fut également contraint de  renoncer au droit de péage, mais le nom resta dans l’histoire et sur les cadastres.

La famille de Varennes

Le château des de Varennes, entre Bully et Avauge, était situé sur le territoire de Saint- Romain-de-Popey.  Le château a été détruit pendant les guerres de religion, à la  fin du XVIème siècle. C’est vraisemblablement cette famille qui est à l’origine du village de Saint-Romain.

Ce château tirait son nom d’un bois taillis qui régnait de l’Arbresle à Tarare, bois appelé Garenne d’où Varennes. La famille de Varennes posséda, par la suite, la seigneurie de CourbeviIIe près de Chessy. Les armes des de Varennes étaient : "losangé d’argent et d’azur".  Pendant plusieurs générations, les Varennes possèdent et Bully et le Péage avec une nouvelle construction plus confortable et défensive. L’ensemble passe par alliance au début XVème siècle à la famille de Jarolles, originaire de Valsonne.

Plus tard, la famille de Talaru possède le Péage dans la première moitié du XVIème siècle. Catherine de Talaru, dernière du nom de cette branche, était Dame de Talaru à Saint-Forgeux, autre château détruit pendant les guerres de Religion.

Le Péage entre dans la famille d’Albon vers 1660 avec Gaspard d’Albon qui devient premier marquis de Saint-Forgeux. La famille d’Albon conserve cette propriété jusqu’en 1967,  date à laquelle Henriette d’Albon, comtesse de Sainte-Marie-d’Agneaux, vend la Maison forte aux fermiers qui travaillaient la propriété.

Le bâtiment

Depuis 1829, l’agencement de l’édifice n’a guère changé, si ce n’est la disparition d’une tour circulaire aux trois quarts hors œuvre au nord-est.

""   Plan établi par Bertrand Gautheron, de la DRAC Rhône Alpes

 L’ensemble délimitant un quadrilatère autour d’une grande cour rectangulaire légèrement en pente comprend à l’est, le "château" proprement dit, grand corps de logis de plan rectangulaire haut de quatre niveaux, couvert d’un toit quatre pans en tuiles rondes ; les murs en blocage de petit appareil, hormis les chaînages d’angle, sont encore crépis sur trois côtés ; la façade ouest sur la cour laisse apparaître des reprises : la partie centrale, ancienne tour carrée abritant l’escalier, est plus ancienne ; elle est percée de deux baies : la porte d’entrée au rez-de-chaussée, en pierre jaune, couverte d’une plate-bande encadrée d’une double moulure à pénétration (une moulure ronde et une moulure prismatique et fermée d’un vantail en planches cloutées) et juste au-dessus, une petite fenêtre couverte d’un arc en accolade à moulure creuse mai dont l’appui, à grosses moulures rondes d’une largeur démesurée semble être un réemploi.

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De part et d’autre, ont été ajoutés à la fin du XVIème siècle, deux corps, une chapelle au sud percée d’ouvertures irrégulières dont deux fenêtres brisées obturées au rez-de-chaussée, l’autre corps au nord fermé d’un portail en arc surbaissé daté 1587. En revanche la façade Est, qui domine la vallée, est très homogène avec quatre travées symétriques groupées deux à deux.

""   La tour

Depuis février 1997, la Maison forte a été inscrite à l’inventaire supplémentaire par les Monuments historiques.

Ces services et le propriétaire ont fait des travaux de restauration de la tour principale qui avait subi les outrages du temps.

L’origine des dégradations

Selon Jean Mirio, de Bully, la tour principale avait subi un arasement dans sa partie supérieure et avait été reconstruite dans le même appareillage pratiqué à l’époque, que, d’autre part, un pan de la toiture de la dite tour avait la forme d’un écu pour y recevoir sans doute les armes du seigneur de l’époque.

Quant à l’origine de l’arasement de la tour, c’est encore un mystère pour l’instant, mais l’hypothèse du passage de la tempête de l’an 1568 ne serait peut-être pas à exclure ; en effet, le jour de la Saint Pierre (29 juin) de la dite année, l’abbé Claude Fenouillet, curé de Saint-Forgeux et célèbre chroniqueur de l’époque, la couchait sur le papier dans les registres paroissiaux. Une tempête, d’une violence qu’on n’avait jamais vue, dévasta la Loire, le Lyonnais, la Bourgogne, traversa la Saône pour aller semer la mort dans la Bresse jusqu’à Nantua, ruinant les maisons et renversant les clochers ; il ajoute que bon nombre de gens furent enlevés dans les airs, sans les avoir jamais retrouvés…

Cette tempête sans précédent au XVIème siècle apporterait également l’explication de l’arasement des autres tours qui défendaient la Maison forte du Péage. D’autre part, sa situation stratégique exposée aux vents dominants violents oblige un raisonnement juste, et pour cause : on se souvient du dernier échantillon de décembre 1999 où la tempête venait également de l’ouest.

 
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