Fêtes, traditions et événements

Les brandons se sont éteints

Résumé

Notre village de l’Arbresle avait, comme tous les villages et surtout dans la France rurale, des traditions soigneusement respectées.

Beaucoup ont disparues, balayées par les brassages des populations, la primauté grandissante de la vie citadine et la poursuite effrénée de la modernité, dévoreuse de temps et de traditions. 

L’une de ces traditions avait pour nom la fête des "brandons", ou plutôt les fêtes des brandons puisqu’il y en avait, en fait, deux dans l’année.

Elles se fêtaient à l’occasion du solstice d’été, le 24 juin, et le premier dimanche de carême. La première, plus connue dans les villages sous le nom de "feux de la Saint Jean". Elles se pratiquaient avec des cérémonials différents selon les régions, mais le feu en restait le centre, symbole de chaleur et de fécondité des terres. 

 Au temps des Celtes 

Dans notre région d’entre Rhône et Loire, vivaient avant même l’occupation romaine, les Ségusiaves, un des peuples Gaulois, dont l’un des principaux centres était Feurs,

Tous les peuples Celtes ou Gaulois avaient leurs divinités qui prodiguaient bonheurs ou malheurs.

Parmi ces divinités, il y avait Beel, (Beel, Belenos, était un dieu lumineux, dont le nom signifie "resplendissant, éclatant") qui était comme la personnification du soleil fécondant. Comme dans la plupart des régions de France, il fallait rendre un culte au soleil afin qu’il féconde les terres à l’approche du printemps. Quoi de plus normal que de choisir le jour le plus long de l’année, le 24 juin pour rendre hommage à ce dieu bienfaiteur au solstice d’été qui marquait la victoire de la lumière sur les ténèbres ?

C’était la fête de Beltaine. Beltaine marque une rupture dans l’année, on passe de la saison sombre à la saison claire, lumineuse, c’est aussi un changement de vie puisque c’est l’ouverture des activités diurnes : reprise de la chasse, de la guerre, des razzias, des conquêtes pour les guerriers, début des travaux agraires et champêtres pour les agriculteurs et les éleveurs. Lors de cette fête, les druides accomplissaient un rituel consistant à faire passer le bétail entre des feux, en récitant des incantations, pour le protéger des épidémies.

On brûlait des fagots entassés dans les vallées, sur les hauteurs, et c’étaient les druides eux-mêmes qui y mettaient le feu. Ce jour-là avait également lieu le concours des bardes(C’était un poète et chanteur qui tenait une place prépondérante dans la société en perpétuant la tradition orale. Il appartenait à la classe sacerdotale, de même que les druides) 

L’évangélisation 

Les missionnaires venus apporter la religion catholique, s’efforcèrent de supprimer ces fêtes païennes. C’est ainsi que peu à peu l’hommage au dieu Beel devint la fête de la Saint Jean Baptiste dont la date de naissance était justement le 24 juin ; de plus, il était, pour l’Arbresle, le saint patron de la paroisse.

 Le feu de la Saint  Jean, peint  vers 1910/1915, par le peintre Antoine Pagneux, qui vivait en Argentine, mais était né à l’Arbresle  

Le cérémonial religieux remplaça le cérémonial druidique. Le chanoine Picard raconte : "On allait chercher à l’église le curé de la paroisse. Une procession se formait, avec les autorités civiles et la maréchaussée en tête. Au son de la  fanfare, avec accompagnement de chants religieux, on se rendait sur la route de Bully, à un endroit donné, toujours le même, où l’on avait dressé au préalable une pyramide de fagots. Les jeunes gens suivaient le clergé, ayant à leurs bras des jeunes filles. M. le Curé mettait le feu aux fagots et tous, se tenant par la main, faisaient des rondes autour du bûcher flamboyant". Cet usage subsista longtemps mais ce ne sont plus que les autorités civiles qui y assistent et allument les bourrées, les scrupules du clergé moderne s’opposant à sa présence.

Pendant fort longtemps, cette fête de la Saint Jean fut importante, avec défilés, avec les enfants portant des lumignons, la retraite aux flambeaux, la vogue et ses forains répartis un peu partout dans la ville, On se rendait au "Bois de Boulogne" (lieu de promenade des Arbreslois situé au bord de la Brévenne, non loin de l’actuel rond-point Martinon) pour le tir à la cible,  les courses aux chevaux  qui partaient de la place de la Mairie, avait pour point terminus, ce lieu de détente. Il y avait aussi  les bals…et le feu de la Saint Jean, dans le quartier des Vernays ou route de Paris. Ce feu autour duquel on faisait la farandole et que les jeunes gens sautaient hardiment.

De nos jours, il n’y a plus guère que les jeunes, futurs conscrits qui poursuivent encore un peu la tradition.

Le deuxième brandon 

La fête du solstice d’hiver ne put être autorisée par l’Eglise, alors qu’on fêtait la naissance de l’enfant Jésus. Aucun texte dans les évangiles ne précise la période de l’année où a eu lieu cet événement. C’est le pape Libère qui décide en 354 que Noël sera fêté le 25 décembre et qui codifie les premières célébrations pour pouvoir assimiler les fêtes populaires et païennes célébrées autour du solstice d’hiver. L’ancienne célébration du solstice a du être reportée au dimanche dit des Brandons, le premier dimanche de carême.

Cette fête de nuit était la fête des mariés de l’année. Elle était exactement la répétition de celle du 24 juin. Toutefois, les mariés devaient fournir les fagots de la pyramide. On s’y rendait, avec la jeunesse des deux sexes, portant des flambeaux de résine, et toujours avec accompagnement de musique et de tambour et, comme chez les Gaulois, des masques les accompagnaient.  Puis, tous dansaient la farandole autour du brasier. 

Quand l’histoire s’en mêle 

Le chanoine Picard nous conte l’histoire suivante qui se passe vers la fin de la guerre de cent ans. Il s’agit d’un texte relevé sur un tableau représentant l’Arbresle en 1429 avec son château Tardin.

"Un fragment de l’armée anglaise, après l’investissement d’Orléans, remontait la Loire en se dirigeant sur Lyon par la vallée de la Tardine. Le Seigneur Tardin de l’Arbresle et le Seigneur Madinier d’Imblot, résolurent de se défendre. Ils se réunirent à l’Arbresle. Ils soutinrent un siège de quatorze jours mais ils périrent en grand nombre. Le Seigneur Tardin succomba avec toute sa famille. Le 21 juin les Anglais, voyant venir une armée de Lyon, levèrent le siège. Alors on fit un feu de joie sur les hauteurs sud-est de la place, en signe de délivrance". Simple coïncidence de dates, si l’événement est vrai, mais bonne occasion de fêter la Saint Jean… et le départ des Anglais ! 

Bernard Isnard 

Bibliographie : 
Histoire de l’Arbresle et de l’Abbaye de Savigny – Chanoine Picard
Monographie de l’Arbresle – Pierre Auguste Gonin
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