Le petit patrimoine

De Paris à l’Arbresle en passant par Sainte-Hélène : le mystérieux périple de la chapelle de Napoléon.

Résumé

L’Arbresle est en possession d’une chapelle (1) comprenant un calice, une patène, des burettes et leur plateau, contenus dans un coffret en bois recouvert de cuir noir.

Ce n’est pas en fait une chapelle homogène, car les objets ne sont pas vraiment assortis (2). Les burettes et le plateau, en laiton ou cuivre doré repoussé et verre, présentent un décor de feuillages, palmes et frise perlée, que l’on peut dater de la première moitié ou du milieu du XIXe siècle.

Le calice et la patène, en revanche, sont un morceau de choix en argent doré repoussé et ciselé : sur la patène est représentée la Cène, avec un bel effet de perspective ; le calice (h. 0,32m) est orné d’un riche décor de médaillons (3). L’un et l’autre de ces objets portent le poinçon d’un orfèvre parisien, Alexandre Thierry, installé entre 1823 et 1853, 34 quai des Orfèvres. Le poinçon de titre et de garantie, une tête de Minerve, nous permet de resserrer la fourchette de date : après 1838. Or, sur le chant du pied, est gravée l’inscription : Sainte-Hélène 16 octobre 1840. 

Nous voilà en présence d’objets prestigieux, utilisés à l’occasion du retour des cendres de Napoléon. C’est l’abbé Coquereau (4) qui fut chargé, en tant qu’aumônier sur la Belle Poule, alors flambant neuve, d’assister à l’ouverture du caveau de l’Empereur et à l’exhumation du cercueil en présence d’une délégation de personnalités placées sous l’autorité du prince de Joinville. et  de dire les prières pour la levée du corps le vendredi 15 octobre 1840 ; le lendemain 16, à 10 h une messe solennelle des morts est dite sur le pont en présence des états-majors et d’une partie des équipages (5). L’ancre est levée le 17 octobre ;

le 8 décembre, à Cherbourg, les cendres sont transférées de la Belle Poule sur un navire fluvial qui les transporte jusqu’à Courbevoie par la Seine. De là un char tiré par 16 chevaux noirs se rend jusqu’aux Invalides où une cérémonie grandiose est organisée : pour le défilé, l’abbé Coquereau a pris place seul «dans un carrosse noir rehaussé de broderies d’argent» (6)

On peut imaginer que la chapelle a été achetée par, ou offerte à l’abbé Coquereau pour la circonstance.

 Mais ensuite, c’est le mystère le plus total. Par quel hasard est-elle arrivée à l’Arbresle ? A qui l’abbé Coquereau a-t-il pu en faire don ? Un prêtre ami, ou une famille particulièrement fidèle au souvenir napoléonien ?

Nous profitons donc de cet article pour lancer un appel auprès de toute personne qui pourrait nous éclairer sur le sujet (7) 

Maryannick Lavigne-Louis 

Si l’authenticité de cette chapelle a pu être déterminée à coup sûr, grâce en particulier aux poinçons qui y sont apposés, nous n’avons aucune information sérieuse sur la façon dont elle est arrivée à l’Arbresle.

De multiples recherches auprès des musées nationaux, en fouillant dans la biographie de l’abbé Coquereau, dans les récits concernant le retour des cendres de Napoléon, ou dans l’histoire de la frégate «la Belle Poule», n’ont rien donné à ce jour.

Par contre, le récit du prêt d’une clochette (manquante dans la chapelle), lors d’une exposition, confirme qu’elle appartenait bien à l’abbé Coquereau et non aux objets de culte de la « Belle Poule ».

Cette chapelle est visible au musée de l’Arbresle 

""

Sur le pied du calice, trois tableaux : le Christ au jardin des oliviers, Jésus portant sa croix et le Calvaire(3) ; sur la fausse coupe, les vertus théologales. 

""

Sur la base, une inscription : Sainte Hélène 16 Octobre 1840. 

Sur la patène, une belle représentation de la Cène

 

""

1 – Le terme chapelle désigne un ensemble cohérent d’objets liturgiques utilisés par le prêtre pour dire la messe.

2 – Cependant leurs décors sont un peu similaires : doubles têtes d’angelots et palmes croisées.

3 – Ils sont signés Montagny, nom d’une famille de médailleurs originaire de Saint-Étienne.

4 – Félix Coquereau, Laval 1808 – Saint-Denis (?) 1866, ordonné en 1833, connu pour ses qualités de prédicateur, devenu en 1850 aumônier en chef de la flotte, puis chanoine de Saint-¬Denis. Il s’était fait accompagner pour la mission à Sainte-Hélène de deux enfants de chœur,

5 – C’est à cette occasion que le calice et la patène ont été utilisés.

6 – Jean Bourguignon, Le retour des cendres 1840, 1941.

7 – Nous remercions Pierre Forissier, Daniel Rostaing, M. et Mme Pupunat sans lesquels ce texte n’aurait pu être rédigé.

Cet article est extrait du périodique l’Eglise à Lyon (n°19-2001) avec l’autorisation de cette revue et de l’auteur, directeur du Pré Inventaire du Département du Rhône.

 

 

Enable Notifications OK No thanks