La petite Histoire

Pillages et brigandages au Pays de L’Arbresle

Résumé

Si la circulation sur nos routes présente encore de nos jours, des risques évidents, ces risques se sont bien modifiés avec le temps. Nous devons aujourd’hui nous méfier des autres automobilistes et de nous-mêmes, ainsi que du profil de la route.

Autrefois, il fallait se méfier de ce qui pouvait à tout instant surgir sur les côtés de la route. Cette petite histoire nous raconte comment cela se passait, et nous constatons que les Arbreslois n’étaient pas toujours innocents dans ce brigandage d’autrefois.

Entre L’Hôpital et l’Arbresle, le paysage des monts de Tarare et d’Amplepuis était autrefois très différent de celui que nous connaissons. Des forêts denses et touffues recouvraient la majeure partie des sommets et des pentes. La route cheminait dans ces zones sombres, montueuses à souhait et constituait pour les truands de toutes espèces un terrain de prédilection pour y piéger leurs proies. Aussi, jusqu’à l’Empire y dénombrera-t-on un nombre impressionnant de forfaits.

Dans les Monts de Tarare

Dans le « Nouveau Guide des Chemins pour aller et venir dans tous les pays », édité en 1583, on lit : « A  I’Hospital, brigandage, cy commence la montaigne de Tarare ».

Une des éditions de la Guilde indique aussi une variante pour aller de Lyon à Paris par la Bourgogne : « … le voyage y est plus plaisant et plus sûr… »

De 1598 nous avons le récit suivant : « Le jeudi au soir 27e jour du moys de mars a este murdy et massacré honneste homme Thomas du Fornel en venant du marché de Tarare au  lieu  appelé  des  Feuillée, aultrement  au trayvo Durtia ou le corps fust trouvé et emporté par la justice de Joz (Joux) et a esté  ensépulturé au symetière de St Forgeul le sabmedy XXIXe dud moys, ainsy le certifie – Giroud ».

Même les soldats

Parfois, les troupes royales indisciplinées donnent le ton : en 1630, précédés du sieur de la Motte chargé de trouver des logements, les soldats de Sa Majesté revenant d’ltalie arrivent à Saint Symphorien de Lay. Deux maisons sont pillées et après leur départ on constate plusieurs assassinats.

Les suivant à quelque temps de là, les cavaliers du Sieur de la Girarde à leur tour se signalent en mettant le feu à une masure dont les occupants ont bien pu périr dans les flammes. Peu de temps après, une autre unité militaire royale traversant le village maltraite les habitants. Une émeute éclate. Le Maître de Poste, hoste du Petit Louvre, intervient à son tour pour blâmer la conduite des  soldats.  Ces  derniers, en  réponse, pillent sa maison. L’Intendant de la Généralité de Lyon qui reçoit une plainte en bonne et due forme dépêche un commissaire pour une enquête approfondie

Sur les registres paroissiaux de Joux le curé Claude Magat a noté en 1645 : « Le 17ème dudit moys et an, a esté ensepulturé au tombeau des pauvres un certain pauvre journalier nommé Benoist Tyrerd, dit Boyron de Piney, Iequel venant de Lion de servir un maçon estant entre La Tour et l’Arbrelle (1) se  treuvant entre quelques compagnies de gens de guerre, fut destrossé de sept ou huict livres lesquelles il avait affané, et rudement battu desquelz coups et autres incommodittez estant arrivé chez  Pierre Bret Lenversin I’ung de mes paroissiens le jeudi 17ème d’aoust, le lendemain ayant esté visité par moy sur les dix heures du matin,  il  est expiré sur les deux heures après midy et conduit à laditte sépulture par le soing et despence dudit Pierre Bret. Dieu payera tout, »

Pendant la Révolution

La Révolution ne  fait qu’accroître toutes ces formes de délits et de banditisme. La municipalité de St Symphorien s’en émeut et le 13 février 1791 envoie un compte rendu alarmant au Comité Révolutionnaire départemental : « Les courriers de la malle de Paris à Lyon sont fréquemment attaqués par des malfaiteurs parce que l’éloignement qu’il y a de Roanne à Tarare est de 10 lieues de poste et qu’il est impossible aux maréchaussées établies dans ces deux villes d’en imposer et de contenir les brigands qui infestent cette contrée et la menacent journellement d’assassinats, de vols et de rapines » (Registre Délibérations du Conseil Municipal de St Symphorien-de-Lay).

En 1798, l’Administration Centrale du Département suspend de leurs fonctions les officiers  municipaux  de Tarare pour  « carence d’établissement de postes militaires qui leur avaient été prescrits à la suite de 2 arrêts de la Malle de Paris aggravés du meurtre d’un cavalier et du vol des paquets et du numéraire »

Malgré une loi votée cette même année condamnant à mort les auteurs de vols sur les routes, les attaques continuent. Le citoyen Bertrand, brigadier de gendarmerie à l’Arbresle est agressé en janvier 1799 par 6 bandits. Après avoir essuyé un coup de tromblon dont quelques plombs ont percé son baudrier, il ne doit son salut qu’à une fuite éperdue jusqu’à l’auberge la plus proche.

Au cours des mois de Floréal et Prairial An VII, deux diligences  sont  interceptées et les voyageurs détroussés. Cette affaire ayant eu lieu sur le territoire de Joux, l’autorité veut en rendre la commune responsable.

Le tribunal ne retient aucune charge car « l’endroit où la voiture a été interceptée est jugé éloigné et hors de vue du village ».

 L’affaire de Bully

""  La malle poste qui assurait le transport du courrier

Dans la période post-révolutionnaire, les courriers de Poste furent l’objet d’attaques réitérées de bandits. Le courrier utilisait alors la route de Lyon, L’Arbresle, Tarare, Roanne : il faut se rappeler que cette route à l’époque était étroite, nous pouvons nous en représenter le tracé, par le chemin qui de l’Arbresle, passe au hameau du Poteau et descend ensuite au pont Buvet sur la commune de Lentilly.

La malle de Poste de Lyon à Paris a été attaquée le 4 frimaire  An 8 (25 novembre 1799) à mi-parcours entre l’Arbresle et Bully près de la Turdine ; l’alerte a été donnée par le sieur Jean-Marie Feuillet, agent municipal de Bully, qui, le premier, ayant entendu plusieurs coups de fusils sur le Grand-Chemin fit sonner le tocsin à la tombée de la nuit.

Les citoyens de la commune de Bully se portèrent les premiers sur les lieux, puis accoururent ceux de l’Arbresle.

Le sieur Jean-Baptiste Le Guillaud, courrier, qui conduisait la malle indiqua qu’il avait été agressé par vingt-cinq brigands, bordant la route des deux côtés. Comme le postillon avait refusé d’arrêter la voiture, les brigands firent feu sur la malle ainsi que sur les quatre soldats du 14ème Régiment de Chasseurs, qui composaient l’escorte. Sous l’effet du feu, les chasseurs furent tous blessés et un cheval tué. Puis les paquets ont été éventrés et l’argent enlevé. Aux cris poussés par les habitants de Bully qui étaient accourus en masse, les brigands se sont retirés après avoir franchi la Turdine en direction de Savigny. Ayant  ramassé les paquets épars sur la route, le responsable du courrier fit acheminer la dite malle jusqu’au relais des Arnas.

Le 5 frimaire, après cette attaque, l’administration municipale du canton de l’Arbresle signala à l’administration centrale du département que l’escorte n’a pu intervenir en raison de l’obscurité. Elle présuma que les brigands allaient rejoindre Lyon par les bois et qu’il fallait faire faire des patrouilles par la garnison de Lyon.

Cette administration signalait qu’un sieur Magny de Sain-Bel avait vu douze hommes au lieu-dit des Ragots dans un endroit escarpé, lesquels venaient de franchir la Brevenne, en vue de rejoindre le chemin du Poirier.

En suite de cette attaque, le chef de détachement de l’escorte basée à l’Arbresle, fit un rapport circonstancié à l’adjudant Général Dauvergne, commandant les troupes dans le département du Rhône, la commune de Lyon et ses faubourgs, en état de siège.

Ce dernier, dans son rapport au Commissaire du Gouvernement du département du Rhône, précise que les attaquants « cinquante ou soixante jeunes gens, tous bien mis et armés jusqu’aux dents », avaient arrêté la malle vers les sept heures du soir, et que le chef de poste de l’Arbresle accompagné de seize chasseurs, soit le surplus de son détachement s’était immédiatement rendu sur les lieux, mais les brigands étaient partis. Il précise que les chasseurs blessés sont : Comme, Lavigne et Hebat, dit l’Allemand, car originaire de la « ci-devant Lorraine allemande ».

L’Arbresle, ville de brigands

Ce même rapport précise que les brigands ont articulé à plusieurs reprises, lors de l’attaque, « il faut tirer sur l’Allemand ». Le dénommé Hebat était depuis longtemps dans le détachement de garde de l’Arbresle et il était bien connu des habitants. L’Adjudant Général Dauvergne conclut : « II n’y a pas de doute que le rassemblement de brigands ne fut composé en partie d’habitants de l’Arbresle. »

Une attaque aussi sérieuse fut communiquée au Ministre de la guerre le 9 frimaire. Ce Ministre, par lettre du 23 frimaire chargea le Général Commandant la dix-neuvième Division Militaire de lui rendre compte de suite des résultats des poursuites qui auront été dirigées « tant contre les auteurs du délit, que contre les communes qui peuvent l’avoir favorisé, en négligeant de prendre les mesures de surveillance qui leur ont été prescrites pour protéger la marche des voitures publiques et les garantir des entreprises des brigands ».

Le Ministre de la Police Générale de la République, à son tour, fut informé de l’incident de Bully. Fouché lui-même, par lettre du 21 frimaire adressée au Commissaire du Gouvernement près l’Administration Centrale du Département du Rhône, interrogea ce dernier « sur les mesures prises à la première nouvelle de cet attentat pour en découvrir les auteurs et les livrer à la juste sévérité des Tribunaux ».

Enfin, le 2 nivôse An 8 (23 décembre 1799), l’Adjudant Général, Chef d’Etat Major de la Dix-neuvième Division Militaire, par lettre au Commissaire du Consulat près l’Administration Centrale du Département du Rhône, veut être informé des résultats des poursuites qui auront été dirigées contre les auteurs du brigandage exercé sur le territoire du canton de l’Arbresle, envers la malle de Lyon a Paris.

L’Arbresle, village de receleurs

En ce qui concerne le recel et l’écoulement des marchandises volées, une mention spéciale doit être faite pour l’Arbresle. Cette cité carrefour semble prédestinée à ce genre de trafic. Proche de Lyon, on peut anonymement y écouler les produits subtilisés. Par la vallée de l’Azergues, on peut "ravitailler" tous les villages en amont : le Bois d’Oingt, Grandris, Lamure, et gagner facilement Belmont, Chauffailles et les marches prospères du Brionnais. En aval, les innombrables auberges en bordure de la route de Lyon à Paris par la Bourgogne sont ravies d’acheter à bon prix les victuailles dont les voituriers ont été détroussés.

Robert Roth

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Carte de Cassini (18ème siècle) – On remarquera que l’Arbresle était encore désigné avec son orthographe ancienne « La Bresle ».

Bibliographie :    
Archives Départementales du Rhône, – Série L   
« Sur la route de Lyon à Roanne » de G. Fouillant et P. Bissuel
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